Le 27 septembre 2017, en tant que responsable pour le groupe LREM pour le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2018, j’ai entendu en Commission des Affaires Sociales la présentation du rapport de la Cour des Comptes remis chaque année sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. J’ai donc eu l’occasion d’interroger le Président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, sur les mesures les plus urgentes à mettre en œuvre pour assurer la soutenabilité de notre système de sécurité sociale tout en préservant le niveau de protection des populations.
MESURES URGENTES À METTRE EN ŒUVRE
POUR ASSURER LA SOUTENABILITÉ DE NOTRE SYSTÈME DE SÉCURITÉ SOCIALE
EN PRÉSERVANT LE NIVEAU DE PROTECTION DES POPULATIONS
Question de M. Thomas Mesnier.
Le rapport sur le financement de la sécurité sociale présenté chaque année au Parlement, constitue l’un des temps forts de l’activité de notre commission, car il permet aux députés de bénéficier de l’expertise de la Cour des comptes sur l’application des LFSS passées, au seuil du débat portant sur le PLFSS à venir.
En tant que responsable du PLFSS pour 2018 au nom du groupe La République en Marche, je veux souligner à quel point ce travail d’évaluation est précieux dans la structuration de nos débats budgétaires.
Je souhaite souligner que, si les réductions du déficit et de la dette de la sécurité sociale sont indéniables, vous n’en avez pas moins souligné que la sincérité de l’ONDAM présenté au cours des exercices passés pose question. Je m’inquiète encore des observations de la Cour portant sur le rôle significatif tenu par les transferts financiers de l’État dans la résorption du déficit de la sécurité sociale.
Il me semble à ce titre indispensable, comme vous le proposez, de mieux articuler les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Les trop nombreux transferts entre branches au bénéfice de l’assurance maladie ayant eu lieu ces dernières années posent également la question de la soutenabilité des diverses composantes de notre système de sécurité sociale, en premier lieu de la branche retraite, qui participe de façon très importante à l’amélioration du solde de l’assurance maladie depuis 2015.
Le programme sur lequel nous avons été élus au sein de la majorité veut rompre avec ces artifices de tuyauterie, et privilégier les réformes structurelles, seul moyen de garantir un système de sécurité sociale soutenable pour les actifs, les retraités d’aujourd’hui ainsi que les générations qui nous suivront.
Dans cette perspective, je souhaite vous interroger sur la priorité à donner au sein des soixante propositions que vous avez formulées. Quelles sont les propositions que vous jugez les plus urgentes à mettre en œuvre ? Lesquelles estimez-vous indispensables dans un objectif de réformes structurelles visant l’amélioration de notre système de protection sociale ?
Réponse de M. Didier MIGAUD, Président de la Cour des Comptes.
Le retour à l’équilibre des comptes sociaux nous apparaît vraiment comme une priorité. Les dépenses dont il s’agit sont des dépenses courantes, des dépenses de fonctionnement, pour leur plus grande part. Il est donc anormal de les financer par l’emprunt. Car un étalement dans le temps de leur financement conduit à y associer les générations futures. Nous sommes sûrement le seul pays, dans le groupe des pays avec lesquels soutenir la comparaison, à accepter des déficits sociaux sur une période aussi longue et aussi continue. Ce n’est pas normal. Comme votre rapporteur général le faisait observer, les dépenses augmentent d’ailleurs dans le même temps. Il n’est donc pas possible de parler de rigueur.
Lorsque nous proposons le retour à l’équilibre, nous ne le faisons donc pas par dogmatisme. Tous nos travaux montrent qu’il y a des marges d’efficacité et d’efficience. Ainsi en est-il des médicaments. Pourquoi utilisons-nous beaucoup moins de génériques que d’autres pays ? Le niveau de prescription dans notre pays est-il normal ? Les transports sanitaires, objet d’un travail de la Cour ces dernières années, sont également un domaine où les moyens d’économie sont importants.
Il est donc possible de réaliser des économies sans remettre en cause la qualité des soins et l’accès à eux. Nous ne pourrons conduire de réforme de la sécurité sociale, ou plus exactement conforter le système qui existe aujourd’hui, sans avoir en tête cette conviction forte.
Nous formulons des propositions, tout comme vous. Il est ainsi concevable que le comité d’alerte puisse intervenir à des seuils plus bas, pour que vous puissiez être plus souvent alertés et pour que les choses soient plus transparentes. Nous devrons travailler ensemble. Il est essentiel que nous puissions vous apporter des travaux utiles pour votre réflexion.
Mais une plus grande responsabilisation des acteurs peut aussi porter des fruits. Des travaux récents de la Cour ont établi la comparaison entre la situation en France et en Allemagne, pour montrer d’un côté une certaine déresponsabilisation et de l’autre un esprit de responsabilité, tant chez les assurés que chez les prescripteurs. Or cet esprit de responsabilité n’était pas du côté français… Cela explique des comportements différents relativement au niveau des prescriptions comme au recours aux médicaments génériques. Comme ces derniers sont peu utilisés, nous compensons auprès des pharmaciens qui font en sorte qu’ils soient davantage utilisés. Dans beaucoup d’autres pays, on ne fait pas ça.
Une plus grande responsabilisation des acteurs permettrait donc que nos comptes sociaux se portent mieux.
S’agissant de l’accès aux soins, nous avons récemment reçu une demande de votre comité d’évaluation et de contrôle (CEC), qui voudrait que nous travaillions sur le sujet. Nous sommes prêts à le faire. Nous devrons rendre notre travail d’ici à la fin 2018.